Quand la France tente de convaincre les Fintechs à Londres de s'exiler à Paris
En cette rentrée 2016, l'écosystème français des fintechs a décidé de faire les choses en grand dans la capitale britannique : jeudi dernier, 200 entrepreneurs, investisseurs et capitaux-risqueurs se sont réunis à l’invitation des membres du French Tech London, un Hub qui, comme son nom l'indique, a pour objectif de fédérer, développer, et faire rayonner l’écosystème français des start-ups à Londres, soit une communauté de plus de 4.500 français travaillant dans plus de 350 startups.
« Pas une semaine sans qu’un nouvel événement ou une nouvelle initiative ne voient le jour » rappelle Albin Serviant, entrepreneur français qui assure le rôle de coordonnateur au sein de ce réseau composé de 3 partenaires privés (Frog Valley, French Connect London, et French Digital) et 3 acteurs institutionnels (Business France, la Chambre de commerce franco-britannique et l’Ambassade de France à Londres).
Opération séduction
La fintech était à l'honneur avec la tenue d'une conférence intitulée 'la Fintech en France : un écosystème dynamique et simplifié' visant à mettre en avant la qualité de l’environnement français des Fintech auprès des entrepreneurs et investisseurs britanniques. Les pouvoirs publics français ont fait massivement le déplacement puisqu'étaient présents la secrétaire d’État au Numérique Axelle Lemaire, Franck Guiader, le directeur de la toute nouvelle division Fintech de l'AMF, Nathalie Beaudemoulin, responsable du pôle Fintech Innovation de l'ACPR, Arnaud Caudoux, directeur exécutif de la BPI ou bien encore Alain clot, président de France Fintech.
Sur fond de Brexit, l'objectif est de rappeler aux sociétés fintechs installées à Londres que la place parisienne, qui a pour ambition de devenir le hub européen de la fintech, est prête à les accueillir. D'autant pllus que les régulateurs français n'ont pas chômé cet été avec le lancement du Forum FinTech, nouvelle instance visant à mieux appréhender les enjeux de réglementation et de supervision liés à l’innovation financière.« Une réglementation adaptée est un facteur essentiel pour assurer l’attractivité de la place financière de Paris pour les Fintech, en particulier dans le contexte actuel marqué par le Brexit», rappelait alors Axelle Lemaire.
Vers la fin du Far West ?
Les fintechs amènent l’industrie financière à modifier sa chaîne de valeur et repositionner le client au centre de ses objectifs et soulèvent, au-delà des interrogations stratégiques, de nombreuses problématiques en matière de sécurité et d’utilisation de données. Une thématique qui est au coeur du workshop La (R)évolution Digitale organisé aujourd'hui et demain par la Revue Banque.
Ce matin, un débat intitulé 'FinTech, régulation & statut juridique : la fin du Far West ?' animé par Hervé Alexandre, professeur de finance et directeur du master Banque de l'Université Paris Dauphine a été l'occasion de faire le poinr sur le sujet. Car si la régulation protège le secteur bancaire, qu'en est-il de ces nouveaux acteurs 'non-protégés' ?
Certes, le poids des normes de conformité et l'apparition de nouveaux statuts « allégés » pour les FinTechs ont favorisé la naissance de ces start-up financières. Quoiqu'il en soit, « nous encourageons les fintechs à travailler avec les banquiers et assureurs », a indiqué Joëlle Durieux, déléguée générale du pôle Finance Innovation.
Un pari audacieux...
En dépit des bonnes volontés, faire le pari de convaincre les fintechs installées à Londres de venir sur Paris n'est pas gagné. Car Londres est devenu un passage obligatoire pour toutes les start-ups financières souhaitant développer internationalement leurs activités. « Nous devions être présents au sein de la capitale mondiale de la FinTech », explique Damien Guermonprez, CEO de LemonWay, une plateforme qui facilite et sécurise le traitement des transactions et qui, en début d'année, a ouvert une filiale à la City de Londres.
Depuis, le Brexit est passé par là, si bien que grande est la tentation de rapatrier les fintechs qui rencontreront un problème de 'passporting' dans le cas où le Royaume-Uni perdrait cette prérogative. « Délocaliser une banque ou une salle de marché c'est compliqué, une startup, ça se fait presque en quelques clics ! », rappelle Alain Clot, president de l'association France Fintech, dans une interview à La Tribune.
Cela dit, certains n'ont pas attendu les résultats du vote sur le Brexit pour franchir le pas, à l'image de Guillaume Piard qui, après avoir travaillé dix ans en finance de marché chez Lehman Brothers puis Nomura, vient de cofonder le robo-advisor Nalo. « Nous avons décidé de développer notre projet en France où, contrairement aux Etats-Unis et au Royaume-Uni où beaucoup d’acteurs sont déjà installés, le terrain était relativement vierge », explique t-il dans nos colonnes.
... qui n'empêche pas de travailler ensemble
Brexit ou pas, il n'y a pas de rideau de fer qui s'est installé entre Londres d'un côté et Paris de l'autre. Les deux écosystèmes restent interconnectés. Sur les 10 personnalités des FinTech parmi les plus influentes à Londres figure en deuxième place... un Français, à savoir Olivier Gélis, le patron de la société de gestion de devises et du risque de change Kantox.
Car Brexit ou pas, les affaires continuent. Pour preuve, leader mondial de l’assurance-crédit Euler Hermes et la Finsurtech londonienne URICA ont annoncé ce lundi qu'ils s'étaient associés pour lancer une nouvelle offre en ligne de financement court terme flexible et innovante des crédits clients et fournisseurs. Business as usual...
Enfin, même si chacun défend son pré-carré, les pouvoirs publics entendent bien eux aussi capitaliser sur l'expérience des deux capitales, en témoigne l'organisation en mars dernier d'un Webinar né d'une collaboration entre Finance Innovation et UK Trade & Investment et intitulé : "France / UK Fintech Markets, Unlocking potential : Business Opportunities in France & UK".
Crédit photo : French Tech London