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Le conte de Noël d’un analyst en banque d’investissement

Noël ressemble rarement à cela...

« C’est le moment de montrer les crocs ! », a crié Mario, le managing director italien aux cheveux gominés comme s’il sortait de sa salle de bain pour se précipiter vers son siège avec un sourire qui inspire des émotions ambivalentes. D'une part, un large sourire incontestablement authentique, comme s’il se souvenait du jour où il avait volé un numéro de Playboy dans la collection privée de son père quand il avait 13 ans et était devenu en l’espace d’un après-midi le garçon le plus populaire de sa classe. D'autre part, sous certains angles, son expression était peu convaincante, comme s’il venait d’apprendre qu’il ne toucherait aucun bonus cette année.

Que lui est-il arrivé ?

Il aurait volontairement voulu se rendre ridicule qu’il ne s’y serait pas pris autrement. Portant un pantalon vert sombre, une chemise de chez Gieves & Hawkes et des mocassins bordeaux, on aurait pu le prendre facilement pour un animateur de centre de loisirs. C’était une tenue tout à fait acceptable pour le ‘casual Friday’. Sauf qu’il avait enfilé un ridicule bonnet de Père Noël. Et que cela était censé élever nos esprits ?

17h15.

Noël approchait à grand pas. Le brouhaha du desk, les gens qui crient dans leurs téléphones et un climat d’affairisme qui règne sur l'ensemble du building. Quant aux décorations de Noël : oubliées. Pas une guirlande en vue…

La pression pour continuer à travailler était plus élevée que le reste de l'année. J’ai fait une croix sur mes libertés le jour où j’ai signé mon contrat de travail.

A 17h20, Mario a choisi de motiver les troupes : « Restez près de vos clients. Alignons quelques grosses commissions pour le mois de janvier. Allons-y. Allons-y ». Il avait enfilé son manteau qu’il a gardé toute la nuit. Et portait toujours le bonnet de Père Noël. Le parfait couillon.

« Blaireau » était la réponse en sourdine d'un collègue à quelques sièges. Des ricanements ont suivi.

Je regardais mon poignet pour vérifier l’heure. Partir à 17h00 était considéré comme avoir travaillé une demi-journée. Dans des circonstances normales, j’aurais souhaité à Mario une mort horrible et douloureuse s’il dérogeait à la règle. Sauf que ce soir, j’étais un homme en mission : je devais me faufiler loin de mon bureau à 19 heures pétantes, soit trois heures plus tôt que d'habitude. Un ami qui est musicien dans un groupe à succès joue à Londres ce soir. J’avais des pass VIP pour moi et neuf autres personnes.

Dans mon équipe, partir à 19 heures équivalait à cracher en plein milieu du visage de votre patron. Par conséquent, afin d'assurer une sortie, je devais ruser.

Opération ‘Foutez le camp’

Heureusement, le principal obstacle sur mon chemin a déjà été balayé : mon supérieur hiérarchique immédiat était sur un vol pour le Moyen-Orient. La possibilité de profiter d’un petit moment de convivialité est donc passée de ‘très peu probable’ à juste ‘peu probable’.

Quelques minutes avant que je ne m’apprête à partir, je me suis assuré que tout était en ordre. J’ai accroché une de mes vestes sur le dos de ma chaise pivotante de sorte que, à l'exception d'un ou deux amis, les gens puissent penser que j’étais toujours au bureau. Toujours avoir une chemise supplémentaire au bureau pour les urgences. J’ai également posé une bouteille d’Evian à moitié pleine sur mon bureau avec le bouchon se trouvant à quelques centimètres. Encore une fois, je devais simuler ma présence.

C'est l'heure. Je colle mon portable à mon oreille, faisant semblant d’appeler un collègue à Dubaï, me lève en prenant l’air d’être occupé et me dirige vers l’ascenseur. Je suis à mi-chemin.

La porte de l'ascenseur s’ouvre pour révéler un espace vide accueillant. Parfait. J’entre, en gardant mon portable dans la main. On ne sait jamais qui peut apparaître la prochaine fois que les portes se rouvriront. Vigilance.

Quelques secondes avant l'ouverture des portes du rez-de-chaussée je tends le téléphone vers mon oreille et reprend une conversation imaginaire avec un collègue de travail. Je sors et me retrouve face à une nuée de visages sur le point de se précipiter vers leurs bureaux. Personne que je reconnaisse. Ouf.

Je quitte le building et jette un coup d’œil par-dessus mon épaule à quelques reprises pour m'assurer que personne ne m'a vu partir.

Dès que je suis seul, je sens l'envie de sauter de joie et de frapper l'air. Enfin libre !

Le retour

Avant de monter dans le métro pour attraper un train et rentrer à la maison, je décide de faire une halte au supermarché pour acheter une bouteille de Champagne. Pour un verre de l'amitié à la maison, avant le concert.

Je me retrouve dans le rayon des vins mousseux. Une bouteille en particulier attire mon attention. Hmmm. Je la ramasse et inspecte l'étiquette. Prix modéré. Ca va le faire. Un sourire se forme sur mon visage. Ma nuit commence. Quels mots vais-je utiliser pour le toast après avoir fait sauter le bouchon ?

La dernière chose que je me rappelle, c’est que mon cœur a tressauté. La pression d'une main sur mon épaule droite m’a donné des frissons dans la colonne vertébrale. Je me retourne et suis face à Simon, le responsable des Marchés des capitaux. Je suis surpris. J’ai toujours la bouteille dans ma main.

Il jette un coup d'œil sur ma main et son œil s’illumine comme un sapin de Noël. « Avons-nous gagné un gros mandat ? »

« Salut, Simon ». Pense à quelque chose. Vite. Rien d’intelligent ne me saute à l'esprit. «Je crains que non. Célébration personnelle ».

« Je vois », dit-il avec un soupçon de méfiance.

Mes yeux tombent sur l'objet qu'il tient à la main. Je ne connaissais pas la marque mais ça avait l’air d’un médicament. Les seuls mots qui m'ont sauté aux yeux étaient ‘douleurs hémorroïdaires’. Simon a déplacé la boîte derrière son dos, hors de ma vue. Un ange passe.

« Eh bien, profitez-en bien », dit-il avant de s’éclipser.

Je l'ai vu disparaître. De justesse. Je pris une profonde respiration et suis parti avec la bouteille de champagne à la main.

Juste à un croisement, quelqu’un a crié mon nom. Sh * t. Je me suis retourné, regrettant déjà de ne pas avoir fait comme si je n’avais rien entendu. Tu aurais dû courir idiot.

Il marcha droit vers moi.

« Nous avons besoin d'un Pitchbook pour demain matin. C’est pour un client néerlandais. L'équipe Benelux est à court de personnel, alors je dois l’aider ».

Pas encore.

« Appelez-moi à 20h00 sur mon portable et je vous dirai ce dont ils ont besoin…. »

« Puis-je venir demain matin ? »

Il a ri. « Tu retournes pas à la maison ce soir ! ». Et il est reparti.

The ibanker est un ancien banquier d'un bulge bracket qui a fondé une société d'investissement adossée à un family office. Il est l’auteur d’un guide conçu pour les étudiants désirant faire carrière dans la banque d’investissement, le private equity, les hedge funds et autres établissements financiers.

Vous avez un scoop, une anecdote, un conseil ou un commentaire que vous aimeriez partager ? Contact : tiochem@efinancialcareers.com

Crédits photo : Camrocker / gettyimages

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AUTEURThe ibanker

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