Brexit : le retour des "Frenchies" de la City, considéré comme "logique", tarde à se concrétriser...
Les choses seraient- elles en train de changer ? Depuis l'annonce du Brexit, la place financière de Paris a toujours été devancée par celle de Francfort concernant le nombre de postes que souhaitent relocaliser les établissements financiers du Royaume-Uni vers l'UE. Or, selon une étude de Reuters publiée fin mars et menée auprès de 119 établissements financiers implantés en Grande-Bretagne, principalement dans la City, Paris est désormais préférée à Francfort pour l'après Brexit.
Les chiffres parlent d'eux-mêmes : sur les 4.798 postes concernés, 2.280 seraient transférés dans la capitale française, dont 1.000 correspondant au possible transfert, déjà annoncé l'an dernier par HSBC, de postes dans la banque d'investissement. Francfort occuperait la deuxième position dans le classement des relocalisations avec un potentiel de 1.420 transferts de postes, devant Dublin (621 postes) et Luxembourg (407 postes).
Des transferts revus à la baisse
Une belle remontée donc pour la capitale française qui, en septembre dernier, lors du même sondage, ne recueillait que 1.800 postes contre près de 5.500 pour Francfort. Un bémol cependant et non des moindres : le nombre de postes concernés par un transfert en Europe a depuis été divisé par deux, passant de près de 10.000 emplois en septembre à moitié moins (4.798 postes) dans le dernier sondage.
Ainsi, Deutsche Bank, qui prévoyait initialement de relocaliser 4.000 emplois, prévoit désormais de ne pas en déplacer plus de 200. De même, UBS dit désormais prévoir de déplacer 200 collaborateurs de Londres vers Francfort alors que la banque suisse avait évoqué jusqu’à 1.500 relocalisations. Goldman Sachs, qui envisageait en septembre le déplacement de 1.000 collaborateurs, s’attend désormais à moins de 500 transferts.
Des recrutements (encore) au compte-goutte
Ce qui peut expliquer le différentiel entre d'une part les effets d'annonce des grandes banques américaines désireuses de transférer une partie de leurs troupes vers la capitale française appelée à devenir leur principal hub de trading post-Brexit dans l'UE, et de l'autre le nombre encore relativement peu élevé d'offre d'emplois visibles et de recrutements effectifs.
Pour preuve, depuis le début de l'année, seul un recrutement (celui d'un vendeur dérivé actions) a été annoncé chez Goldman Sachs qui, selon des chasseurs de têtes, multiple actuellement les entretiens avec des francophones travaillant sur les ventes dérivés actions dans le cadre de recrutements à venir sur Paris.
Qui plus est, sur son site carrière, Goldman Sachs propose actuellement un seul poste à pourvoir à Paris (en l'occurence un private capital analyst pour sa division Securities) contre une quinzaine de jobs disponibles à Francfort. Preuve que sur le terrain l'avance de Paris sur la capitale économique allemande reste toute relative, Goldman Sachs venant d'ailleurs de transférer un nouveau MD vers Francfort pour préparer le terrain de l'après-Brexit.
Des retours pourtant "logiques"
Pourtant, « il est logique que la France fasse revenir des emplois en France », avait déclaré le Ministre de l'Economie et des Finances, Bruno Le Maire, lors de son déplacement à Londres le mois dernier. En effet, nombre de travailleurs français, notamment dans le secteur financier, se sont installés à Londres et plus largement au Royaume-Uni depuis les années 1990 pour profiter des opportunités d'emplois sur place offrant des rémunérations plus élevées.
Selon des sources de la City citées dans The Times, le gouvernement français aurait demandé aux banques d'indiquer le nombre d'emplois qu'elles comptaient transférer vers Paris. Une banque ayant signalé que des emplois allaient être «créés» aurait été priée de reformuler cette expression. Preuve que l'idée selon laquelle le Royaume-Uni aurait "volé" des emplois à Paris dans les années 80 est encore bien présente et que l'heure serait désormais à la revanche. De bonne guerre...
Quid des "quants" ?
Réputés pour leur excellent niveau en mathématiques financières, les financiers français (souvent des profils ingénieurs) forment toujours le gros des bataillons des équipes d'analystes quantitatifs des banques de la City. Certes la crise des subprimes est passée par là et avec elle certains spécialistes de produits structurés ont connu quelques difficultés, mais depuis ces profils (les quants risque de marché par exemple) ont à nouveau le vent en poupe dans la banque d’investissement.
Leur retour en France dans le sillage du Brexit pourrait donc être bénéfique. « Le Brexit signifiera un personnel plus qualifié en provenance de Londres, et les banques françaises seront en mesure de monter en gamme dans des domaines tels que les ventes et le trading », indique un banquier français spécialisé dans les dérivés et basé à Paris.
Mais si les arguments en faveur d'un retour en France ne manquent pas, il n'est pas dit qu'au final les financiers français soient nombreux à franchir le pas. « Je n’ai jamais rencontré d’anciens banquiers de la City qui se disaient heureux d’être rentrés à Paris ! », rappelait ainsi dans nos colonnes un ex-sales d’une grande banque d’investissement française à la City de Londres. Les paris restent ouverts...
Crédit photo : Joakim Leroy / gettyimages