Ce que le marché de l'immobilier à Paris révèle sur les transferts de la City liés au Brexit...
Les recruteurs et les professionnels de la finance basés à Paris constituent de bons indicateurs pour prendre le pouls des transferts de banques de la City et de leur personnel dans le sillage du Brexit et nous ne manquons pas de rapporter régulièrement leurs propos dans nos colonnes.
Mais il est une autre catégorie toute aussi intéressante à laquelle on ne pense pas toujours spontanément, celle des professionnels de l'immobilier, pourtant les mieux placés pour évaluer les surfaces de bureaux loués par les établissements financiers ainsi que le nombre d'appartements vendus ou loués à des financiers en provenance de Londres.
Ainsi, c'est grâce à la foncière française CeGeReal, propriétaire de la tour Europlaza à Courbevoie dans le quartier de la Défense, que l'on a appris début juillet que l'Autorité bancaire européenne et ses 200 employés allaient prendre possession d'ici fin mars 2019 d'une partie des 13.000 carrés de libres dans la partie haute du building de 31 étages.
La course aux mètres carrés
C'est également du côté de l'immobilier qu'il faut se tourner pour savoir quelles sont les banques qui ont décidé de réévaluer leurs projets d'implantation à Paris. On apprendra ainsi que Citigroup cherche actuellement des locaux plus grands dans la capitale française après avoir revu à la hausse le nombre d'emplois dans le trading qu'elle compte relocaliser de Londres vers Paris dans le sillage du Brexit.
La banque américaine a en effet dû faire face à la pression de ses traders basés à la City en faveur de Paris plutôt que Francfort, mettant en avant sa vie culturelle, ses écoles et sa proximité avec Londres, selon un banquier cité dans le Financial Times.
Les bureaux de Citigroup situé rue Balzac à quelques pas de l'Arc de Triomphe et où travaillent actuellement 170 personnes sont devenus trop petits. L'un des responsables de la banque américaine a déclaré au FT qu'il n'y avait plus de place après l'embauche de personnel supplémentaire, et qu'il aurait de toute façon fallu déménager dans un nouvel immeuble, Brexit ou pas.
Citigroup n'est vraisemblablement pas la seule banque à faire la course aux mètres carrés. Ce pourrait bientôt être le cas de JP Morgan qui prévoyait jusqu'à présent 200 transferts à Paris mais est en train de reconsidérer ses plans pour donner un rôle plus important à la France, selon une information parue dans Les Echos.
Quant à Bank of America, si elle multiplie les annonces d'arrivées de dirigeants mondiaux et européens en France, où elle prévoit 400 transferts, ce n'est pas la place qui devrait manquer dans ses nouveaux locaux situés dans l'immeuble art déco du 51 rue de la Boëtie à Paris pouvant accueillir jusqu'à 1.000 personnes et faisant l'objet d'une rénovation par Poste Immo, filiale immobilière du Groupe La Poste.
A chaque banquier son quartier...
L'immobilier haut de gamme parisien à destination des particuliers est lui aussi un bon révélateur des transferts de la City vers Paris. « Depuis environ six mois, 5 à 10% des ventes réalisées dans nos agences du Marais, des VIe, VIIe, IXe et XVIIIe arrondissements se font auprès de Français qui rentrent de Londres et d’Européens qui s’installent à Paris »,explique Richard Tzipine, directeur général de l'agence immobilière Barnes qui chaque année établit un classement des villes les plus recherchées par les personnes fortunées.
Le centre et l’ouest de Paris conservent donc l’avantage sur les autres arrondissements. Les Français de retour de Grande-Bretagne avec leurs familles recherchent plutôt des appartements familiaux dans des quartiers proches des écoles, des commerces et des espaces verts. « Dans les quartiers familiaux, les VIIIe, XVIe et XVIIe arrondissements, entre 8 et 12% des transactions sont concernées. Ce n’est plus un épiphénomène c’est devenu récurrent », poursuit Richard Tzipine.
Les banquiers juniors eux préfèrent de loin les quartiers plus animés du centre. « Dans le Marais, le marché est tout aussi dynamique avec 22 ventes ce mois-ci, dont la moitié auprès de « millenials » et un quart des acheteurs venant de Londres », explique Thibault de Saint Vincent, président de Barnes.
Des acheteurs au fort pouvoir d'achat
L’avantage pour ces nouveaux venus de la Cty de Londres est qu’ils disposent généralement de conditions d’acquisition extrêmement intéressantes dans la mesure où ils ont, bien souvent, mis en vente leur appartement à Londres afin de financer leur achat. Et les prix de l'immobilier de prestige restent bien inférieurs à Paris qu'à Londres.
Au premier semestre, le prix moyen du mètre carré pour le marché haut de gamme à Paris est évalué à 11.000 euros le m2 selon le baromètre Barnes et à 12.661 euros le m2 selon le réseau Féau, avec une hausse des prix de 3,7% pour les biens entre 1 et 2 millions d’euros et de 1,1% pour les biens entre 2 et 4 millions d’euros.
A titre d'exemple, il n’est plus rare de voir des acheteurs prêts à débourser des sommes importantes jusqu’à 20.000/ 25.000 euros le mètre carré dans le quartier du Marais. « Cette clientèle internationale et de Français de l’étranger arrive avec des références de prix différentes des nôtres », confirme explique Thibault de Saint Vincent.
Difficile de donner un chiffre précis sur le nombre d'employés en provenance de Londres à la recherche d'un appartement à Paris car il faudrait sonder toutes les agences spécialisées dans l'immobilier de prestige ayant pignon sur rue, mais on peut estimer ce nombre à plusieurs centaines. En attendant, nul doute qu'il y aura beaucoup de « brexiteurs » dans les allées du prochain salon de l'immobilier de prestige qui se tient début décembre à Paris. De quoi susciter également des vocations dans les jobs en finance spécialisés dans l'immobilier...
Voici quelques exemples de prix en fonction des quartiers parisiens :
Le Marais : Attendez-vous à payer 609k€ pour un studio et 2,5 M€ pour un trois-pièces.
Luxembourg, VI arrondissement : Attendez-vous à payer 845k€ pour un trois-pièces, ou moins de 200k€ pour un petit studio (si vous êtes un associate).
Proche Tour Eiffel, VII arrondissement : Attendez-vous à payer 1,6M€ pour un deux-pièces ou 990k€ pour une pièce.
Opera, IX arrondissement : Attendez-vous à payer 860k€ pour une pièce ou près de 2M€ pour un appartement avec trois chambres et balcon.
Chinatown, XIII arrondissement : Vous pouvez acheter un trois-pièces près de la mairie pour 840k€.
Seizième, XVI arrondissement : Les banquiers avec un budget conséquent pourront acheter des appartements à Passy où un trois-pièces avec une vue sur l'Arc de Triomphe peut dépasser 3 M€.
Place de Clichy and around XVII arrondissement : Attendez-vous à payer 420k€ pour un studio à Batignolles ou 150k€ pour un petit appartement aux Epinettes.
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Credit photo : Ankabala / gettyimages