Pourquoi les analystes financiers ne doivent-ils pas trop craindre MiFID2 ?
Le président de l'Autorité des marchés financiers (AMF), Robert Ophèle, a plaidé mardi dans un entretien au Financial Times pour un réexamen des nouvelles règles européennes en matière de recherche et d'analyse entrées en vigueur cette année. « Même sans le Brexit, nous aurions dû nous pencher dessus car elles ont des effets très négatifs sur la recherche, notamment sur les mid-caps », a-t-il indiqué au FT.
Depuis longtemps déjà, la France est opposée à la distinction entre frais de recherche financière et frais d'exécution, défendue au contraire par la Financial Conduct Authority (FCA) britannique. « Il est clair que depuis le début, nous, l'AMF, nous pensons que ce n'était pas une très bonne idée de promouvoir cette distinction intégrale », poursuit Robert Ophèle.
S'il est entendu, cet appel en faveur d'un retour en arrière pourrait constituer une bonne nouvelle pour les analystes financiers alors que les capacités de recherche sur de nombreuses petites capitalisations boursières diminuent. Certains analystes n'ont d'ailleurs pas attendu MiFID2 pour passer d'un courtier indépendant à une banque d'investissement.
Menace ou opportunité ?
Appliquée depuis janvier, la directive européenne MiFID II impose aux intermédiaires financiers l'obligation de distinguer le prix de la recherche financière des frais d'exécution, ce qui incite les investisseurs, confrontés à un nouveau poste de dépenses, à réduire le nombre de courtiers auxquels ils ont recours et tend à pénaliser la recherche sur les valeurs petites et moyennes.
« Dans un contexte réglementaire amplifié par l’arrivée de MIFID 2, les organisations ont évolué visant pour certaines un renforcement des équipes de recherche interne », nous fait remarquer Corinne Orémus, directrice générale déléguée du cabinet Vendôme Associés. « Nous avons observé à cette occasion une demande accrue de compétence analytique fondamentale et des profils expérimentés d’analystes gérants ».
Cela a ainsi été récemment le cas pour BNP Paribas qui a décidé de renforcer les équipes de recherche d'Exane.« Nous considérons que Mifid II constitue la meilleure opportunité, depuis la crise financière, de recruter les acteurs les plus talentueux du marché et de les intégrer dans notre franchise », a même déclaré à ce sujet Ben Spruntulis, responsable actions chez Exane.
Des courtiers qui font pression
Difficile de savoir exactement combien de jobs d'analystes financiers ont disparu à cause de MifID2, la profession étant déjà fragilisée par de nombreux autres facteurs (poids croissant de la gestion passive, nouvelles technologies, compliance...). Ce qui est certain, c'est que MiFID II impacte fortement, et à court terme négativement, la profession.
« Avec un phénomène d’éviction pour certains courtiers et une baisse de rentabilité pour la très grande majorité d’entre eux. Ce sont les gros asset managers qui déterminent les prix », rappelle Vally Colli, associée chez Vendôme Associés qui a récemment interrogé différents acteurs (analystes financiers, responsables de recherche en Equity et gérants) notamment sur l'impact de MifID2.
Avant même l'entrée en vigueur de la directive, nombreux étaient les professionnels qui se montraient inquiets. « Certains redoutent une diminution importante du volume de la recherche et un périmètre d’analyse financière plus limité, en particulier pour les petites et moyennes capitalisations », rappellait alors Myriam Ferran, ex-présidente de CFA Society France et désormais director chez Cognizant.
Depuis, nombreux sont les courtiers qui veulent croire que les régulateurs seront convaincus de la nécessité de modifier MiFID II. Déjà, la Financial Conduct Authority à Londres et l’AMF (qui n’avait pas sous-estimé son impact) ont été saisies par des acteurs du sell side. Et la réaction du président de l'AMF ne devrait que renforcer leur détermination à maintenir la pression.
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