Comment les régulateurs financiers se préparent à l’après-Brexit ?
Le 12 mars, le Parlement britannique votera sur son plan Brexit. « S'il est rejeté, ce qui est très probable, le Parlement devra alors se prononcer sur une demande de report de la date de sortie de l'Union Européenne. On peut donc, sauf incroyable surprise dont les Britanniques ont le secret, éliminer le scénario du no-Deal Brexit », rappelle l’économiste Marc Fiorentino.
En attendant, les professionnels de la finance restent sur le qui-vive, comme en témoignent les échanges qui ont eu lieu la semaine dernière à Paris lors d’une table ronde intitulée Brexit, et après ? à l’occasion des 10èmes Rencontres des Professionnels des Marchés de la Dette et du Change.
« Il est assez illusoire de penser qu’il y aura une réouverture des négociations dans ces délais », indique Stéphane Giordano, président de l’Association française des marchés financiers (Amafi). « Les acteurs financiers que j’ai rencontrés dernièrement semblaient prêts pour un Brexit sans accord comme en témoignent les réallocations de ressources de Londres vers l’Europe continentale ».
Dans l’hypothèse d’un brexit no-deal, il faudra simplement éviter de perdre l’accès aux infrastructures. A ce sujet, l’Autorité européenne des marchés financiers (Esma) a récemment annoncé que les chambres de compensation basées à Londres pourraient continuer à servir leurs clients de l’UE pendant un an afin d’éviter de trop fortes perturbations sur les marchés financiers.
Encore des obstacles…
De son côté, le secrétaire général de l’AMF, Benoit de Juvigny, se montre beaucoup moins optimiste sur les préparatifs relatifs à un scénario de brexit sans accord. « Certes un accord d’un an a été trouvé concernant les chambres de compensations britanniques, mais après ? », s’interroge-t-il. Et de se demander comment gérer les valeurs multi-listées alors qu’il n’y a pas d’équivalence trading obligations actions.
Autre sujet de complexité relevé par le représentant de l’AMF : comment organiser un univers si éclaté où le siège d’une banque peut se trouver dans un pays et ses succursales (parfois plus grosses que le siège) dans un autre ? D’autant plus que dans certaines banques américaines l’organisation est archi-complexe. Toutes les politiques relatives aux niveaux de seuils à respecter sont à revoir…
A cela vient s’ajouter tout ce qui touche aux droits des contrats et, selon Sébastien Raspiller, chef de service du financement de l’économie à la Direction générale du Trésor, « la nécessité pour l’UE d’avoir sa propre expertise » plutôt que de se reposer sur les régimes d’équivalence existants. La France et le Luxembourg ont d’ailleurs proposé des régimes d’équivalence revus et améliorés comme sur MiFID2 par exemple.
Vers une coopération intelligente
La place financière de Londres a remporté une belle victoire avec le délai accordé par l’ESMA aux chambres de compensation britanniques. « A plus long terme, il faudra que l’UE défende mieux ses intérêts : 85% des effectifs des banques américaines en Europe sont basés à Londres, ce qui n’est pas souhaitable… », rappelle le secrétaire général de l’AMF. Deal ou no deal, il y aura quoiqu’il en soit des sujets de chamaillerie, mais les régulateurs français, européens et le Parlement britannique votent les ordonnances pour assurer la continuité des services financiers systémiques.
« Les régulateurs et beaucoup d’acteurs de la finance ont passé un temps considérable sur le sujet du Brexit », rappelle Nicolas Rivart, chief innovation officer chez Euronext Paris. Et même dans l’hypothèse d’un no-deal, il y aura encore du pain sur la planche. Ainsi, « des mécanismes en cours de réflexion pour éviter une distorsion trop forte, notamment en matière de ‘trading obligation’ ». Plutôt rassurant pour les professionnels de la finance de marché, non ?
Enfin, signe de la bonne entente franco-britannique, le cabinet de conseil et d’audit PwC France et la Chambre de Commerce et d’Industrie Franco-Britannique ont créé ce mois-ci le Think Tank « Cross-Channel Institute » afin de répondre à la demande exprimée par les grands groupes de construire les relations économiques et commerciales de l’après Brexit.
« Face aux enjeux que le Brexit soulève pour l’ensemble du monde des affaires, nous voulons utiliser cette période particulière comme un déclencheur et une opportunité pour accélérer le développement des activités économiques des deux côtés de la Manche », a déclaré à cette occasion Thierry Drilhon, président de la Chambre de commerce et d’industrie franco-britannique.
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