Pour survivre en banque par ces temps de pandémie, ne négligez pas la politique…
Ce n’est pas parce que personne ne va plus au zoo depuis un moment que les animaux sauvages n’existent plus. De la même façon, ne plus travailler physiquement au bureau ne signifie pas non plus que les animaux politiques que vous avez laissés derrière vous ont disparu comme par magie. En réalité, les intrigues politiques pourraient même être plus intenses que jamais.
Alors qu’il y a maintenant de bonnes raisons de ne pas avoir de réunions physiques avec les clients et de ne pas organiser de conférences, que les entretiens d’embauche sont réduits à la portion congrue et que dans le même temps, les temps de transport pour rejoindre le lieu de travail ont disparu, les managers hors production – qui restent malheureusement très nombreux - disposent de beaucoup plus de temps. Dans ce contexte, si le télétravail est probablement appelé à rester la norme dans un avenir proche, ces managers devront, plus que jamais, justifier leur existence et défendre leur part non-négligeable du gâteau au moment des bonus.
Ceci signifie malheureusement que la politique est sans doute plus omniprésente que jamais. Afin de protéger leurs propres postes, ces managers sont d’autant moins enclins à défendre leurs équipes et à s’opposer aux coupes budgétaires et autres réductions d’effectifs.
C’est seulement maintenant que les pires managers en banque prennent conscience de leurs privilèges, et par là même de la difficulté à décrocher un poste équivalent à l’extérieur lorsqu’ils seront sur la sellette. Comme un animal sauvage face à un réel danger, ce genre de situation peut faire ressortir la bête qui sommeille en chacun d’eux. Ces managers chercheront activement à trouver des excuses pour générer un maximum d’interaction en face à face – via Zoom plutôt qu’au sens littéral – avec leurs propres N+1 et N+2. Inversement, ces mêmes managers ont sans doute aussi plus de temps disponible, et pour tenter de mieux appréhender ce qui se passe ‘sur le terrain’ – ce qui est évidemment plus difficile à observer directement pour les équipes dirigeantes, ils consacreront aussi plus de temps à leurs N-1 et N-2.
Je sais que beaucoup d’employés sérieux font de leur mieux pour rester en dehors de la politique et des intrigues, et c’est très louable. Pourtant, à la vérité, éviter la politique revient à peu de choses près à faire preuve de naïveté politique.
Pour beaucoup de gens, la politique sous quelque forme que ce soit est tout simplement inévitable, et un minimum de sens politique est indispensable à la simple survie. N’oublions pas que de nombreuses banques avaient amorcé des plans de réduction de coûts assez agressifs en amont de la pandémie ; si ces projets ont été suspendus à court terme, il semble inévitable qu’ils redeviennent d’actualité à la première occasion. Si votre secteur d’activité doit être touché par ces réductions, plutôt vous le saurez, mieux ce sera. Cela vous donnera le temps de vérifier que votre nom n’est pas sur la liste, ou au moins d’optimiser le temps dont vous disposez pour préparer votre sortie.
Mon conseil n’est pas de devenir du jour au lendemain un animal politique, ou de participer aux commérages – c’est généralement mal vu ; cela éveillera forcément les soupçons et pourrait se retourner contre vous. Pourtant, si vous faites partie de ces gens authentiques et bien sous tous rapports dans la vraie vie, qui ont toujours fui les intrigues politiques, accordez-vous un écart et sacrifiez au strict minimum.
Il vous faut générer une visibilité positive régulière auprès de ceux qui sont susceptibles d’avoir une influence sur votre destin. Organisez des points périodiques avec vos N-1, N+1 et N+2 à chaque fois que vous avez une bonne raison. Faites de même avec vos homologues qui disposent des bons réseaux. Si vous n’êtes pas en mesure de les identifier avec certitude, demandez aux mentors en qui vous avez confiance qui à leur avis est le mieux placé dans les hautes sphères du pouvoir informel au sein de votre structure. Pas besoin pour cela de bloquer d’emblée une heure ou même une demi-heure dans l’agenda d’un manager – des points réguliers de 10 à 15 minutes suffiront. Vous pourrez ainsi informer votre supérieur de ce vous avez fait et de ce que vous prévoyez de faire, vous attaquer proactivement à tous les problèmes potentiels pour les résoudre, solliciter un retour de sa part sur votre performance, et subtilement tenter de découvrir d’éventuels indices sur l’avenir de votre équipe.
Pour reprendre les mots de Coldplay, ‘Nobody said it was easy!’, mais qui ne tente rien n’a rien… Bonne chance !
Fred Benson est le pseudonyme d’un banquier fort d’une longue expérience.
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