Conseil avisé d’une ex-VP de JPMorgan : ne partez pas pour de mauvaises raisons
Lucy Puttergill est au Mexique ; c’est tôt le matin et le soleil n’est pas encore levé. Mais il fait clairement beaucoup plus chaud qu’à Londres en été, et elle apparaît détendue et bronzée comme on peut l’être en Basse-Californie plutôt qu’à Canary Wharf. « Je me suis baignée au milieu d’espèces bioluminescentes hier soir et c’était fabuleux, » raconte-t-elle.
À 32 ans, cette ancienne vice president (VP) des ventes Delta One de JPMorgan à Londres a quitté son poste en juin 2020 sans avoir anticipé la suite. La nouvelle de son départ s’est répandue comme une traînée de poudre après la parution d’un article publié sur la plateforme de blogging Medium, rapidement devenu viral. « Le problème, c’est que mon travail en lui-même ne me rendait pas particulièrement heureuse – plus ma carrière et tous ses à-côtés progressaient, plus je me sentais vide, » confie-t-elle en expliquant ce qui l’a motivée à quitter JPMorgan. « Je n’avais pas prévu de partir à 31 ans, sans rien derrière, en pleine pandémie. »
Quelques treize mois plus tard, Lucy Puttergill n’a pas de nouveau job. Elle a passé les douze derniers mois à se réinventer pour devenir coach de vie et de carrière, une fonction qu’elle peut tenir à distance via Zoom auprès de ses clients. « Je pense que les comportements ont beaucoup évolué [par rapport à l’acceptation des rencontres et réunions à distance], mais si les gens veulent une rencontre physique, je trouverai un moyen, » ajoute-t-elle.
Lucy Puttergill a passé neuf ans en banque, et elle compte parmi ses clients beaucoup d’anciens banquiers et traders. Pourtant, en dépit des nombreux aspects positifs de sa nouvelle situation, elle assure qu’il n’est absolument pas question pour elle de persuader qui que ce soit que quitter la finance ; son objectif est d’amener les gens à « travailler sur leur mental ».
« Les gens viennent me voir et me disent ‘il faut que je quitte mon job,’ » raconte-t-elle. Mais avec un peu de travail, ils se rendent compte qu’ils n’en font rien – que la seule raison qui les motivait à partir tenait au fait qu’ils se sentaient inutiles et se pensaient proches d’un licenciement.
Pour Lucy Puttergill, la finance regorge d’excellents éléments dont la motivation pour l’excellence repose sur la conviction qu’ils ne sont pas assez bons. « Nous adoptons ce système de croyance pendant l’enfance parce que nous sommes super sensibles, » explique-t-elle. « Un jour, il se passe quelque chose et nous nous mettons à penser que nous ne sommes pas très intelligents et qu’on ne nous aime pas. Si nous reproduisons indéfiniment cette façon de penser, cela devient une véritable conviction et nous nous attachons inlassablement à démontrer que nous sommes à la hauteur. »
Quitter l’univers de la banque en conservant intact ce système de croyance n’induira pas d’amélioration fondamentale de leur manière d’être, mais plutôt sa pérennisation dans une nouvelle fonction. Pour générer un vrai changement, Lucy Puttergill insiste sur la nécessité de se confronter à ses croyances, à prendre conscience que, oui, vous êtes bien à la hauteur, puis peut-être de rester à un poste qui en fait vous plaît et vous assure un bon niveau de vie.
Elle-même a suivi cette démarche. Même si elle était une excellente étudiante, diplômée avec mention Très Bien de l’Université de Bristol, elle avoue avoir été convaincue qu’elle était une ratée, d’une intelligence très moyenne. Et son début de carrière en middle office chez Citi, alors qu’une de ses connaissances voulait embaucher quelqu’un parlant français, et son passage plus tard seulement en front office, n’ont pas joué dans le bon sens : « cela a eu un impact certain, en plus de ce sentiment que j’avais déjà de ne pas être aussi performante que les autres, » précise-t-elle.
Dans son cas, rester dans la finance n’était pas la bonne solution. « Ça n’était juste pas ma vocation, » dit-elle. « J’ai toujours été intéressée par la psychologie et les liens plus profonds. Ce qui me poussait à rester dans ce secteur, c’est que j’essayais de prouver quelque chose aux autres. Dans ma tête, j’aurais pu dire : « ‘regardez, je suis intelligente puisque je travaille dans la banque,’ mais ça n’était pas la vie que je voulais me construire. »
D’après Lucy Puttergill, ses clients qui examinent leurs motivations et restent dans la finance le font pour les bonnes raisons. Ils sont plus épanouis et mieux dans leur peau. – Si vous souffrez d’un sentiment d’insuffisance, vous serez plus agressif, dit-elle : « l’agressivité est une forme de protection visant à empêcher les autres de voir vos failles. Les banques ont besoin de gens convaincus de leur propres capacités, et capables de faire preuve d’humilité quand ils ne savent pas quelque chose. »
Et ceux qui partent ? L’expérience personnelle de Lucy Puttergill laisse à penser qu’ils vont bien, eux aussi. Beaucoup hésitent pour des raisons financières, mais selon elle, s’adapter à des revenus moindres est plus facile qu’on pourrait le penser. « Je dépense beaucoup moins, » confie-t-elle. « Quand je travaillais dans la banque, l’essentiel de mes dépenses était consacré à me faire croire que j’étais heureuse. La conviction qu’on ne peut pas gagner d’argent en faisant autre chose est trompeuse, et c’est ce qui fait que les gens restent à leurs postes. »
Crédit photo : Matthew Hicks sur Unsplash
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