« Si vous voulez un job en banque de nos jours, il vous faut savoir coder en Python »
Il y a quelques années, j’ai été surprise de voir que deux de nos stagiaires recrutés pour l’été n’avaient aucune maîtrise d’Excel. Ils étaient particulièrement brillants, mais Excel n’était tout simplement jamais apparu dans leur parcours académique. A l’époque, c’était inhabituel. Aujourd’hui, toutes nos recrues maîtrisent Excel, mais savent aussi coder en Python.
Cela marque un changement de génération dans la banque. Par le passé, le secteur s’est considérablement appuyé sur Excel. Les processus étaient élaborés sous Excel et Excel était l’outil principal à la base de tout. Mais avec la prolifération des données, les méthodes utilisées pour les extraire et les analyser ont évolué. Excel perdure là où les données résident dans des bases héritées sécurisées. Pour accéder à ces bases de données, il faut des compétences en codage. Excel est toujours utilisé, mais comme outil secondaire.
Pourtant, les jeunes diplômés des promotions les plus récentes l’évitent purement et simplement. Ils automatisent directement leurs processus en utilisant Python (ou R) et envoient les résultats à des messageries, intranet, fichiers Excel (sans même avoir besoin de les ouvrir) ou PowerPoint. L’utilisation d’Excel est devenue la preuve de compétences médiocres en codage et d’un manque d’efficacité. Certes, les entreprises sont encore nombreuses à s’appuyer sur les macros et le reporting sous Excel, mais elles en sortent progressivement à mesure qu’elles s’adaptent à la sauvegarde sur des serveurs du cloud.
Voilà pourquoi, si vous tentez aujourd’hui de rejoindre le secteur bancaire, Python est la corde qu’il faut avoir à votre arc. Python sera votre meilleur allié pour décrocher un poste en banque quel qu’il soit – en vente et trading, gestion de portefeuille ou en risque. C’est LA compétence qui fait la différence entre les candidats durant le processus de recrutement.
Les raisons sont innombrables qui justifient l’importance de savoir coder en Python. Imaginons par exemple que vous soyez professionnel du risque de marché ou même trader. Les informations que vous recevez au quotidien proviennent de sources diverses. Vous compilez les données pertinentes pour l’analyse, et vous pouvez les combiner sous Excel pour créer des tableaux ou expliquer des tendances. Cependant, pour permettre la compilation des données, vous utilisez les systèmes frontaux de l’entreprise. C’est ce qu’on appelle les interfaces utilisateurs (user interface en anglais, plus connues sous l’acronyme UI) car elles permettent la communication avec l’entrepôt de données et les serveurs pour fournir l’information à l’utilisateur. Et que se passe-t-il si vous voulez analyser la corrélation avec une autre source d’information sur le marché ? Et si vous trouvez que cette deuxième source n’a pas été programmée dans l’UI parce que cette dernière a été créée il y a des années ? Le processus de mise à jour de l’UI pour lui permettre de répondre à vos nouveaux besoins peut s’avérer fastidieux. Mais vous pourriez récupérer facilement les données de la base sans modifier l’UI via ce qu’on appelle une API – l’acronyme anglo-saxon pour Application Programming Interface ou interface de programmation d’application. Une API est l’endroit où tout reste sécurisé mais aussi facilement accessible, sans être bridé par les limitations d’une UI préprogrammée. – Si vous savez utiliser une API, la flexibilité dont vous disposez est énorme. À titre d’exemple, quelqu’un qui voudrait corréler très rapidement la volatilité du marché avec deux variables non liées auparavant devra simplement écrire un bout de code pour accéder directement à l’API. Bingo… C’est le pouvoir de la nouvelle génération de jeunes diplômés que nous recrutons actuellement.
Évidemment, les plus âgés comme moi continuent d’utiliser l’ancienne UI et d’exporter les données dans Excel pour créer des tableaux. Mais on constate à quel point c’est improductif alors qu’il suffit d’écrire quelques lignes de code pour accéder à l’API et automatiser la production d’un tableau quotidien, envoyé ensuite par courriel avant même que nous ne nous levions le matin. La flexibilité est énorme, et c’est pourquoi nous avons besoin de juniors qui savent procéder de la sorte.
Certains étudiants doivent maintenant s’y ouvrir. Il est parfois difficile de trouver des codeurs désireux de travailler comme traders dans une équipe de front office plutôt que comme technologues en support du front office. Les étudiants en informatique sont nombreux à penser qu’ils devraient postuler à des jobs tech, mais ils se trompent. Nous avons aujourd’hui un besoin urgent de codeurs en salle des marchés.
Cela ne signifie pas pour autant que toutes nos nouvelles recrues doivent savoir coder en Python. – Tout comme pour les stagiaires qui ne maîtrisaient pas Excel il y a quelques années, il nous arrive toujours de faire des exceptions ; mais c’est en général parce que les candidats concernés possèdent d’autres compétences que nous estimons au moins aussi importantes, si ce n’est plus. – Cela dit, c’est beaucoup plus rare qu’auparavant.
Mia Holmes est un pseudonyme
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